Hiver 1949. Le verglas a pris les rue de la ville en otage, rendant chaque pas aussi périlleux que la visite surprise d’un commissaire aux comptes. Et l’ambiance se fait encore plus glaçante lorsque le service comptable d’une PME du coin se retrouve bloqué à cause d’une erreur de saisie sur une facture client…

Cette fois, c’est un ancien militaire, aussi diplomate qu’un boulet de démolition, qui exige des comptes à notre détective privé favori… au sens propre comme au figuré.

Eddie « Dusty » Malone parviendra-t-il à éviter le pire et à rétablir la compétitivité et la conformité… sans finir encastré dans un mur ?

Sale temps pour les erreurs de saisie…

Et pas mieux concernant la météo de ce matin d’hiver 49. Ça devait bien faire 20 minutes que j’avais quitté le bureau et je n’avais pas encore parcouru 500 mètres, tant ce fichu verglas semblait tout mettre en œuvre pour me savonner la planche.

J’ai bien trouvé toutes les excuses possibles pour ne pas quitter le confort de mon bureau, mais cette fois, pas moyen de resquiller : une sale affaire demandait toute mon attention dans le quartier du même nom, qui se trouvait, bien évidemment, à l’autre extrémité de la ville. Et pas question de prendre la voiture. Même si elle avait accepté de démarrer de ce froid épouvantable, je n’aurais pas fait 10 mètres sans venir alimenter la congère d’automobiles qui s’était formée en bas de ma rue. Alors je progressais lentement jusqu’à la prochaine station de métro, accompagnant chaque pas mal assuré de moulinets maladroits des mains, défiant tant bien que mal les lois de la gravité.

Au moins ça me laissait le temps de réfléchir à ce coup de fil énigmatique d’un client que j’avais reçu tôt ce matin. Attila Von Boum dirigeait une entreprise de démolition qui, contrairement aux bâtiments qui croisaient sa route, tenait debout contre vents et marrées et sur laquelle la crise ne semblait pas avoir de prise. Son secret : une main de fer dans un gant de béton armé de deux tonnes cinq. Von Boum était un ancien militaire reconverti dans le civil. Et je le connaissais bien, puisqu’il avait été mon chef de régiment durant mes classes. C’était il y a longtemps, bien avant la guerre. A laquelle il avait survécu, de toute évidence. Ce type figurait parmi mes pires traumatismes, et il revenait aujourd’hui me tourmenter, comme tous ces fantômes bien décidés à me faire éternellement payer mes erreurs passées. Malgré tout, j’avais besoin de ce job, alors je l’avais accepté. Une filature, sur fond d’erreurs de saisie sur des factures qui auraient tourné au drame…

En m’accrochant fermement à la rambarde de l’escalier luisant de givre qui s’enfonçait de façon sinistre dans la bouche de métro, je me suis fait une remarque à moi-même : la prochaine fois, je ferais venir le client jusqu’au bureau.

***

Une bonne heure plus tard, j’arrivais enfin à l’adresse indiquée. Il avait beaucoup neigé ici, et le vent glacé qui s’engouffrait dans la ruelle sombre me poussait presque en glissant jusqu’à une façade qui dénotait avec les autres bâtisses du quartier : en plus de compter des barreaux à toutes les fenêtres jusqu’aux étages les plus élevés, les murs en briques rouges étaient hérissés de fils barbelés. On se serait cru à l’entrée d’un camp militaire. Je redoutais le pire en repensant à mon ancien instructeur, mais j’ai trouvé le courage de faire tinter la grosse cloche fixée au porche. Au bout de quelques longues secondes durant lesquelles le froid m’a semblé s’intensifier au-delà du supportable, la porte s’est ouverte dans un grincement, et une petite femme, presque aussi large que haute, m’a dévisagé d’un air inquiet.

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Vous êtes monsieur Dusty ?  M’a-t ’elle demandé, d’une voix tremblante.

Eddie Malone, m’dame, pour vous servir. Je viens voir monsieur Von Boum. Mais j’ai l’impression que vous m’attendiez.

Oh. Oui, pardon, veuillez entrer, monsieur Malone, le patron vous attend. Il est, heu… quelque peu irrité.

Quelque peu irrité… mouais. On l’entendait hurler à pleins poumons, à tel point qu’on pouvait sentir les murs vibrer, comme si une batterie d’engins de chantier était en train de procéder à la démolition du bâtiment. Tout un tas de souvenirs effrayants sont remontés à la surface, et j’ai dû me retenir pour ne pas tourner les talons.

STRESSINGTON ! Réveillez-vous bon sang ! Mais qui est-ce qui m’a fichu un @# $ pareil ?!! 

Nous avons cheminé jusqu’à la source des remontrances. La petite dame a frappé timidement à une porte dont la plaque indiquait « Comptabilité – Edward J. Stressington ». Presque immédiatement, elle s’en est écartée, comme si sa survie en dépendait.

ENTREZ ! à tonné la voix.

J’ai exécuté l’ordre. La pièce était sombre, et le temps que ma vue s’accommode à l’unique source de lumière provenant d’une petite lampe de bureau, mes narines se sont emplies d’une odeur épouvantable : celle de la peur. Elle saturait l’air et semblait vouloir m’empêcher de me rapprocher du personnage qui se tenait au milieu de la pièce.

Un homme extrêmement imposant et musculeux me tournait le dos, debout face au bureau, manches retroussées, les 2 poings monstrueux enfoncés dans le cuir d’un sous-main vert usé. Il s’est redressé et s’est tourné lentement vers moi. Il avait les dents serrées en un rictus de colère. Il les a légèrement desserrées en m’apercevant.

Ah, Voici le fameux Eddie Malone. Vous avez pas mal changé à ce que je vois. Approchez.

C’était bien lui. Conforme à mes pires souvenirs : un bon mètre quatre-vingt-dix de muscles taillés à la serpe. Son visage, tout en angles aigus, semblait avoir encaissé autant de coups que les murs que son entreprise démolissait. Une mâchoire carrée, des pommettes saillantes, et une veine battante sur la tempe droite, prête à exploser. Ses avant-bras monstrueux, recouverts de cicatrices et tatoués de souvenirs militaires, racontaient une histoire que personne n’oserait lui demander.

APPROCHEZ !

Il hurlait beaucoup trop fort pour un homme situé à peine à 5 mètres de moi. J’ai obéi instantanément, une fois encore, comme mu par une force invisible.

En me rapprochant, je distinguais, assis derrière le bureau, une silhouette chétive, qui était masquée l’instant d’avant par l’imposant personnage. Un petit homme d’une cinquantaine d’années, si fin qu’il semblait fait de papier à cigarette, était figé dans une expression de terreur qui m’évoquait un lapin pris dans les phares d’un camion lancé à pleine vitesse… Son regard fixait un écran mais semblait littéralement passer à travers tant il était perdu dans le vide.

Mes yeux ont voyagé du triste personnage à son patron, et ce dernier s’est adressé à moi, en se dispensant des politesses d’usage.

Il s’agit d’Edouard Stressington, le meilleur des comptables qu’ait jamais connu cette entreprise. En temps normal, il jongle avec les chiffres comme un artificier avec les pains de C4. Mais depuis hier soir,., il est bloqué dans cette position. Il n’est même pas rentré dormir chez lui…

Qu’est ce qui lui arrive ? CHEF !

J’avais la bouche pâteuse. Et je l’avais appelé chef. J’aurais donné n’importe quoi pour être ailleurs.

Je vois que vous vous souvenez de moi. Mais je ne suis plus votre chef, trouffion ! Quant à cette espèce de pétrifié, il est comme ça depuis que le commissaire aux comptes a débarqué hier matin pour l’audit annuel. Au début tout allait bien, ils épluchaient les comptes comme larrons en foire, jusqu’à ce que ce ù$@#! de @ !$£# ne trouve une erreur de TVA sur une facture. Ce vicieux était tellement content d’avoir mis le doigt dessus qu’il s’est défoulé sur Stressington comme un fauve sur sa proie… Depuis, mon comptable est figé comme ça et il refuse de saisir la moindre facture de peur de commettre une nouvelle erreur.

Je vois. Et le Commissaire aux comptes ? il est toujours là ?

Il a dit qu’il reviendrait demain pour finir sa sale besogne. Et moi en attendant, je n’ai plus de comptable, vous comprenez ? Ah, le cancrelat, quand j’y repense : il en a profité pour pointer tout un tas de problèmes idiots : il a parlé de saisie manuelle qui faisait perdre du temps, de coûts de gestion trop élevés, de problèmes de traçabilité et de suivi, et il a même osé me baratiner avec des histoires de conformité règlementaire…

JE SUIS CONTRARIÉ ! STRESSINGTOOOOOON ! Mais remuez-vous bon sang ! Il faut que tout soit en ordre d’ici demain matin !

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Comme le comptable ne répondait pas, il a frappé le mur, laissant une fissure visible.

J’ai tenté timidement une intervention :

Je doute que vous arrangiez quoi que ce soit comme ça, chef… Monsieur !

Encore « chef ». Bon Dieu, Eddie, maitrise-toi.

Je ne vous ai pas fait venir ici pour un coaching RH Malone ! GAAAARDE À VOUS !

Par pur conditionnement, mes talons ont claqué et ma main s’est plaquée à ma tempe. J’étais bel et bien en train de saluer.

Chef ! dans ce cas qu’attendez-vous de moi ? Chef ?

Il s’est détendu. Ou plutôt très légèrement décrispé.

Mmhhh. Repos soldat. Vous étiez une recrue prometteuse durant vos classes, et c’est pour ça que j’ai fait appel à vous. Votre truc c’est la filature, pas vrai ? Eh bien j’ai besoin que vous me serriez de près cet olibrius de commissaire aux comptes. Vous allez me trouver du lourd sur lui, je veux tout savoir, où il habite, qui il fréquente, le moindre vice ou faux pas qui me permettrait de le faire tomber… avant que ce ne soit LUI qui ne le fasse. Je ne veux plus voir ce ù$@#! ici ! MMhhh des erreurs de saisie… j’ten ù$@trais moi des erreurs de saisie, maudit gratte-papier…

Il a cogné violemment le mur une fois de plus de son poing fermé. J’ai détourné le regard afin de parvenir à rassembler mes idées. Les choses prenaient une tournure qui ne me plaisait pas du tout. D’un coté des erreurs de saisie et une perte de productivité qui étaient en train de couter cher à cette entreprise, et de l’autre un fou furieux qui me demandait de résoudre son problème de manière… expéditive.

Je devais agir. Et j’avais la solution, même si j’aurais préféré garder cet atout dans ma manche. Après ça, on ne me confierait probablement plus aucune filature, mais j’avais juré de ne plus faire aucun compromis. Plus jamais. Avec personne. Alors j’ai rassemblé le peu de courage et d’estime de soi qu’il me restait, j’ai pris une grande inspiration et j’ai interpelé mon impressionnant client, en m’efforçant de chasser toute trace de peur de ma voix.

Monsieur ! Permission de parler franchement !

Il s’est figé et a arrêté de donner des coups de poing dans le mur désormais fendu en plusieurs endroits. Il s’est retourné lentement vers moi, et j’ai senti un frisson parcourir mon échine, centimètre après centimètre. TRES désagréable. Contre toute attente, la tension impressionnante contenu dans les muscles de ses bras s’est dissipée. La curiosité l’emportait sur la colère.

MMMhh… Parlez, soldat.

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je vous conseille de vous attaquer à la source du problème, qui de toute évidence n’est pas la personne que vous me demandez de coincer, mais plutôt le risque d’erreur de saisie sur vos factures.

Mouais, continuez…

Je transpirais abondamment, maintenant.

Eh bien, je pense, enfin je crois que j’ai la solution à votre problème. Rapide à mettre en place, pas chère, et une réduction drastique du risque d’erreur en plus de vous faire gagner un temps précieux et de vous mettre en conformité avec la législation.

À ce moment précis, il m’a semblé percevoir un infime mouvement oculaire de Stressington dans ma direction, comme si deux fils venaient de se toucher.

Vous avez toute mon attention soldat. Ou est-ce que je signe ?

Vous avez un téléphone ? Sans vouloir vous commander. Monsieur.

Il a désigné d’un rapide signe de tête un téléphone sur le bureau qui a du lui-même se faire tout petit. Je m’en suis saisi et j’ai composé de tête un numéro connu de moi seul.

Ligue digitale j’écoute.

Une voix rassurante. Je reprenais un semblant de contenance.

Agent Eddie Malone, j’ai besoin de vos services. En urgence. Facture électronique. Protocole Zéro erreur de saisie. Nom de code : RFE. Etablissements Démolition Von Boum. Terminé.

Bien reçu agent Malone. Prise en main à distance requise. Veuillez transmettre le code.

J’ai masqué le micro du combiné de ma main libre et j’ai demandé à Von Boum, de la manière la plus assurée possible :

Vous avez dû recevoir un code, monsieur. Vos mails… Auriez-vous l‘obligeance… ? 

Il s’est adressé au comptable inerte, toujours figé devant son écran.

Stressington !

J’aurais juré l’avoir vu bouger. Non probablement pas.

STRESSINGTON !

Le poing s’était abattu une fois de plus sur le pauvre bureau désormais fendu en 2. L’homme ne bougeait toujours pas.

Monsieur, ai-je dit. Si vous permettez…

Je suis passé derrière le bureau et j’ai communiqué dans le combiné le code qui apparaissait sur l’écran qui éclairait le visage crispé du comptable. 

Veuillez patienter je vous prie…

Trois bips successifs, puis :

Installation effectuée. Facture électronique opérationnelle. Avez-vous d’autres questions ?

J’ai raccroché. Ma main ne tremblait plus. D’une voix nettement plus assurée, en fixant mon client pour la première fois dans le blanc des yeux, j’ai conclu avec panache :

C’est fait monsieur. L’émission de vos factures clients est désormais entièrement dématérialisée et connectée à votre ERP. Finies les erreurs de saisie, tout est automatisé. Vous gagnez du temps, vous recevez vos paiements plus rapidement, vous allégez la charge administrative de monsieur Stressington, et d’un point de vue légal, vous êtes prêts pour la réforme de la loi finance de 2024.

Bien joué, Malone. Déjà à l’époque, j’avais décelé chez vous un potentiel. Je ne sais pas à quoi ça va me servir d’être en règle avec des exigences légales prévues dans 75 ans, mais pour le reste, vous avez fait du bon boulot soldat.

Il a fait craquer ses doigts.

Aaah, je me sens d’humeur à démolir une usine désaffectée, moi ! STRESSINGTON !

Le petit personnage frêle a bondi de son siège, au garde à vous.

Monsieur !

En l’espace d’un instant, son regard avait retrouvé une étincelle qui ne laissait planer aucun doute sur son intelligence.

C’est bon de vous retrouver, mon vieux.

Les yeux du petit personnage se sont embués et ses lèvres se sont mises à trembler.

M.. Monsieur… Je…

AU TRAVAIL STRESSINGTON ! Ce n’est pas parce que votre organisation vient de faire un bond de productivité que vous devez vous tourner les pouces ! Cette ville ne va pas se démolir toute seule !

***

Je m’étais éclipsé discrètement. Au diable l’importance que j’accorde d’habitude à mes sorties, il fallait que je m’éloigne au plus vite de ce personnage despotique qui me rappelait un passé encore douloureux. La route vers la rédemption serait encore longue, mais ce genre de petite victoire me donnait de l’espoir. En sortant du bunker, j’ai dû mettre une main en visière. Le soleil de midi avait commencé à amorcer la fonte des glaces et annonçait la venue du printemps. Un printemps sans compromis.

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