Un épais brouillard a recouvert la ville. Impossible d’y voir à 3 mètres. Un peu comme Gros Louis, le patron de la distillerie de gin, qui ne sait pas ce que lui doivent ses clients. Problématique quand on doit de l’argent à un gros bonnet de la mafia locale…
Jusqu’à ce que notre détective favori ne s’en mèle. Eddie « dusty » Malone parviendra-t’il à trouver une solution aux problèmes de trésorerie de son client ?
Sale temps pour les délais de paiement…
Et puisqu’on en est à parler du temps qu’il fait, je vous pose le décor : un brouillard épais s’était installé sur la ville depuis quelques jours, et on n’y voyait plus rien dehors. Remarquez, je vous dis jours, mais ça aurait aussi bien pu être des nuits, vu que les rayons du soleil semblaient s’être résignés à ne pas passer l’épaisse couche nuageuse qui pesait sur mon moral.
Et je ne voudrais pas vous donner l’impression de faire des métaphores, mais il se passait plus ou moins la même chose dans ma tête ce matin : un voile brumeux épais entourait mon champ visuel et auditif. Je devais probablement avoir attrapé un méchant virus. Ou alors c’était ce whisky bon marché de la veille., allez savoir… En tous cas ce bruit sourd régulier en provenance du couloir m’indiquait avec insistance que quelqu’un tambourinait à la porte. Et ça faisait déjà un moment…
— Monsieur Malone ! Ouvrez bon sang, je sais que vous êtes là !
Un bref passage devant l’œil de bœuf de ma porte m’a révélé le visage bouffi et beaucoup trop maquillé de Mrs Hargrove, la propriétaire des lieux. Elle avait l’air sacrément en pétard.
J’ai mis en place la petite chainette, et j’ai ouvert la porte, qui s’est bloquée à moins de 10 centimètres de course. Reflexe précieux, ça l’a empêchée de débouler comme une furie dans l’appart. La poussée était violente, mais la chaine a rempli son office dans un claquement sec. Une odeur violente de parfum m’a empli les narines et m’a fait l’effet de sels. Ça m’a sorti un peu de ma torpeur.
— Miss Hargrove. Que me vaut l’extrême plaisir d’être réveillé si courtoisement, et de si bon matin ?
— De si bon matin ? Monsieur Malone : il est près de 20h, et c’est la cinquième fois en 2 jours que je passe vous réclamer le loyer que vous me devez depuis plus d’une semaine.
— Oh. Je vois.
— Mais qu’est-ce que vous pouvez bien trafiquer là-dedans ? Je ne vous ai pas vu entrer ni sortir d’ici depuis des jours.
Rien de ce qui se passait dans l’immeuble ne lui échappait, à cette vieille commère.
— J’ai été … convalescent ces derniers temps. Je vous paierai quand ça ira mieux.
— Rhhho, mais non ! Vous avez jusqu’à demain soir monsieur Malone. Passé ce délai, je serai obligé de prendre des mesures, disons… expéditives.
Elle a tourné les talons, sans me laisser le temps de répondre. Ou alors c’est moi qui ai mis trop de temps à réagir, allez savoir. C’était brumeux, je vous ai dit.
J’ai refermé la porte et j’ai rassemblé mes esprits. Ça faisait plusieurs semaines que je n’avais pas accepté d’affaire, et les finances étaient au plus bas. Il me fallait du cash, et tout de suite.
Je n’aimais pas ça, mais il était temps de réclamer ce que me devait Gros Louis. Une affaire que j’avais résolue le mois dernier, pour un client qui m’avait promis de me payer au plus vite. Il allait falloir le faire passer à la caisse. Ce soir.
J’ai attrapé mon vieux trenchcoat et son inséparable chapeau pendant que le cachet d’aspirine finissait de se dissoudre dans mon verre de la veille, et après l’avoir vidé d’un trait, je me suis mis en route pour le quartier industriel.
***
Ce bon vieux Gros Louis… Un chic type, plutôt chanceux à vrai dire : il avait fait fortune en ouvrant une distillerie de gin quelques semaines après la fin de la prohibition. Aujourd’hui, il était le premier fournisseur de spiritueux de l’état. On peut dire que ça roulait pour lui. Alors pourquoi est-ce qu’il mettait autant de temps à me payer ? Mon flair m’indiquait que je n’allais pas tarder à le savoir.
Le quartier industriel était désert à cette heure tardive. Le brouillard épais, à qui un clair de lune blafard donnait toute sa substance, auréolait d’un air sinistre la cour de la distillerie que je remontais presque à tâtons. Le bureau de la direction, situé dans un petit bâtiment annexe, se signalait au loin par une faible lueur : il y avait quelqu’un. En approchant de l’entrée, je distinguais, d’abord vaguement, puis de plus en plus nettement, deux larges silhouettes campées devant la petite porte qui me séparait de mon client.
Costars noirs rayés, chapeaux l’air pas franchement amical. Ces types-là n’étaient pas des employés de l’usine, ça non.
Je me suis approché.
— Salut les gars.
Pas de réponse. Ils me fixaient en silence. Enfin, si on peut parler de silence : par la fenêtre on pouvait entendre des choses pas franchement racontables qui m’évoquaient un visage, un ventre, et tout un tas d’autres parties de l’anatomie humaine en train de se faire allègrement molester. De brefs gémissements étouffés venaient illustrer le tout de manière fort convaincante. Vous me connaissez, je suis un type plutôt convivial, alors ça m’a donné envie de briser la glace :
— Ils sont l’air de bien se marrer, là-dedans. Je peux entrer ?
Le plus gros des deux gorilles m’a répondu avec un dédain extrêmement travaillé :
— Faut attendre. Le boss n’a pas fini.
Je me retrouvais donc devant un cas de conscience : est-ce que je pouvais décemment laisser Gros Louis se faire tabasser à quelques mètres de moi, là, juste derrière ce mur ? Est-ce que je pourrais seulement me regarder dans un miroir après un tel acte de lâcheté ?
Bien sûr que oui. Je n’étais plus à ça à dire…
Et alors que je rassemblais mon courage pour tourner les talons et repartir vers ma vieille Buick, la porte du bureau s’est ouverte. Les gardes se sont écartés, et deux autres gars encore plus costauds sont sortis, encadrant un gros type joufflu en costume blanc. Il s’est arrêté pour tenter d’essuyer avec son mouchoir une tache vermeille qui jurait sur son pantalon trop serré. Il s’est tourné une dernière fois vers la porte grande ouverte par laquelle filtrait une lumière malsaine qui prenait corps dans les volutes de brume :
— N’oublie pas Gros Louis : une semaine, pas un jour de plus.
J’avais déjà vu ce bibendum quelque part, mais où ? Pas moyen de me souvenir. Pour seule réponse, un petit gémissement en provenance du bureau.
Le gros type a fait un petit signe de la tête en direction du parking, et des phares aveuglants se sont allumés, baignant la cour dans une lumière surréaliste qui rendait sa démarche chaloupée encore plus grotesque. Une fois que toute la petite délégation a fini de prendre place dans le véhicule, le moteur a vrombi et tout ce beau monde a disparu dans un mirage de coton, avec pour seule preuve de leur passage deux petits yeux rouge vicieux qui se sont rapidement estompés.
Un nouveau gémissement m’a sorti de ma torpeur. Je suis entré dans le bureau et j’ai refermé la porte. La pièce était sens dessus dessous. Un vrai carnage. D’énormes livres de comptes renversés vomissaient leurs entrailles de papier sur le vieux plancher usé, baignant dans un liquide que j’ai identifié comme étant du gin, à en juger par l’odeur alléchante et les éclats de verre…
Et au beau milieu des débris de cette scène de crime, un petit homme se tenait à quatre pattes, occupé à ramasser ce qui devait être ses dents. C’était Gros Louis. Il n’était pas gros d’ailleurs. Son surnom lui venait de la fortune qu’il avait amassée grâce à la vente d’alcool et le nombre impressionnant de petits producteurs qu’il avait absorbés. Ce soir il était juste petit et pitoyable. Ce soir, c’était Petit Louis.
— Salut Louis. T’as l’air en forme.
Il a sursauté, comme un gamin pris sur le fait en train de faire une bêtise. Je lui ai tendu une paire de lunettes cassée que je venais de ramasser. Il s’en est saisi, a tenté de l’ajuster en vain sur son nez et m’a reconnu à travers une grande fissure qui rendait son regard encore plus hagard.
— Malone ? Qu’est-ce que tu fais là ? Il a craché une autre dent. Si c’est pour réclamer ton chèque, il va falloir prendre un ticket.
— C’étaient qui ces gars ? De la famille à toi ?
Il a posé sa main sur son genou et s’est relevé péniblement. Il faisait peine à voir.
— Ne me dis pas que tu ne les as pas reconnus ? T’es détective ou quoi ? Don Grobonetto, et toute sa bande de gros bras !
Mais bien sur… il fallait vraiment que j’aie le cerveau aussi embrumé que cette foutue ville pour ne pas l’avoir identifié au premier coup d’œil. Don Grobonnetto était le parrain de la mafia italienne locale. Un type auquel il valait mieux ne pas se frotter.
— S’il te plait, ne me dis pas que tu fricottes avec ce gars-là, Louis.
Il a pris un air contrit
— Tu sais… ici, tout passe plus ou moins par lui… les permis de construire, les licences, les droits d’exploitation… et surtout… il prête de l’argent. Enfin Dusty, je ne vais pas te faire un dessin, tu sais comment tourne cette ville, non ?
Je ne le savais que trop bien. Et j’avais eu à faire, indirectement, avec le Parrain. Un de ses lieutenants avait tenté de me graisser la patte dans une affaire financière il y a quelques années. Mais il était tombé sur la mauvaise personne. Zéro compromis, c’est la devise qui me fait tenir debout. Et jusqu’à présent, ces gars m’avaient laissé tranquille. Pour avoir un moyen de pression sur moi, il aurait fallu que j’aie encore quelque chose à perdre… ce qui n’était pas le cas. Mais c’est une autre histoire.
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— Et alors, qu’est-ce qu’il te voulait, le Parrain ?
Il a ramassé et regardé tristement une statuette en marbre à laquelle il manquait la tête.
— Oh, il passait me vendre des calendriers. Pour les bonnes œuvres…
Il s’est retourné vers moi, l’air agacé
— M’enfin, à ton avis monsieur le détective : je lui dois de l’ARGENT, comme à peu près la moitié des honnêtes chefs d’entreprise de cette ville corrompue !
— Je vois. Mais aux dernières nouvelles, de l’argent, tu en avais à ne plus savoir quoi en faire, Gros Louis. Je me trompe ?
— Ce n’est pas aussi simple, Dusty. J’ai un business à faire tourner, moi ! Pour rester compétitif, je dois investir. Le mois dernier, j’ai lancé la construction d’une nouvelle usine au sud de la ville, près des docks. Et tu sais comment ça marche ici : il faut payer rubis sur l’ongle. Sans parler des pattes à graisser ici et là pour mettre de l’huile dans les rouages…Enfin, on se comprend.
Il semblait presque gêné. C’était un brave homme, ce Gros Louis. Il avait la réputation d’un type honnête, et respectueux de ses ouvriers.
— Mouais. Continue, tu veux ?
— Bref. En attendant la fin des travaux et les premières grosses commandes, je manque gravement de trésorerie, Eddie. Et dans mon métier, c’est primordial, la trésorerie ! Surtout quand mes créanciers sont tout droit sortis de la mafia italienne !
— Ne me fais pas croire que tu as du mal à être à l’équilibre avec tout ce que tu écoules comme marchandises. Il n’y a pas un foyer de ce bled damné qui ne compte une bouteille à ton nom sur la table du salon.
— Mais enfin Eddie, tu ne lis pas les journaux ? Tu vis sur une île déserte ou quoi ?
Il marque un point. Un de plus. Ma récente introspection m’a effectivement tenu relativement éloigné de l’actualité locale. Je lui fais signe de continuer.
— C’est la crise économique dehors ! Mes distributeurs tentent de gagner du temps, et me payent le plus tard possible. Je ne sais même pas précisément ce que j’ai à l’extérieur. Et avec tout ce que j’ai à faire pour être prêt à lancer la nouvelle production dans les temps, je n’ai pas une seconde pour relancer mes clients !
Il a marqué une pause. Son regard s’est éclairé en fixant un point sur le sol. Il s’est accroupi dans un gémissement et a ramassé une dent en or, qui étincelait près d’une pile de reçus détrempés. Il a tenté de la remettre en place dans sa bouche, en vain. Trop de place vacante. Il a pris un air désespéré en louchant sur la molaire qui brillait de manière insolente au creux de sa main.
— Sept jours. C’est tout ce qui me reste pour trouver l’argent. Je ne vais quand même pas vendre le peu de dents qui me reste…
Il fallait que je fasse quelque chose. Je ne pouvais décemment pas lui réclamer ce qu’il me devait, même si moi, je n’avais que jusqu’à demain matin pour payer Mrs Hargrove.
J’avais un atout de taille dans ma manche. Je me l’étais destiné, mais je me trouvais en face d’un brave type qui avait des problèmes plus graves que moi à régler. J’allais probablement le regretter, mais c’était le prix à payer, celui de mon lourd fardeau.
— Tu ne sais pas ce que tu as comme argent à l’extérieur, hein ? Et que dirais-tu d’un bel instantané de tout ça, et d’une solution pour en récupérer rapidement une grande partie ?
Il s’est relevé, en esquissant un rictus de douleur. Il faisait 20 ans de plus que son âge.
— De quoi est-ce que tu parles ? Tu es sérieux ?
— J’ai la solution. C’est rapide à mettre en place, et avec ça, tu n’auras plus à t’inquiéter de ce que te doivent tes clients.
J’ai vu une lueur d’espoir dans ses yeux de chien battu.
— Je ne comprends pas de quoi tu me parles, mais tu as carte blanche, Dusty.
— Tu as un téléphone ?
Ses yeux ont parcouru la pièce sens dessus dessous, et se sont arrêtés sur une prise murale. Il a saisi le fil qui en sortait et a remonté la piste jusqu’à un appareil renversé au milieu des débris d’un vase qui avait dû valoir une fortune. Il l’a ramassé ainsi que le combiné et m’a tendu le tout, d’un air désabusé.
J’ai poussé un soupir et j’ai composé sur le cadran un numéro connu de moi seul. En moins d’une sonnerie, une voix familière s’est fait entendre.
— Ligue digitale, j’écoute.
— Agent Eddie Malone, j’ai besoin de vos services. En urgence. Recouvrement de Créances Automatisé. Protocole Zéro Délai de Paiement. Distillerie Gros Louis. Terminé.
— Bien reçu agent Malone. Prise en main à distance requise. Veuillez transmettre le code.
J’ai masqué le micro du combiné de ma main libre et j’ai demandé à Gros Louis :
— Tu as reçu un code. Vérifie tes mails.
Il s’est empressé d’ouvrir le clapet de son ordinateur portable, l’un des rares objets qui n’avaient pas été balayés de son bureau. Quelques secondes plus tard, il m’avait transmis le code, que j’ai répété à voix haute dans le combiné.
— Veuillez patienter je vous prie…
Trois bips successifs, puis :
— Installation effectuée. Recouvrement de créances automatisé opérationnel. Avez-vous d’autre questions ?
J’ai raccroché.
— Tu m’en dois deux, Gros Louis. A partir de maintenant, tu as une vision en temps réel de ce que te doivent tes clients. Tes procédures de recouvrement de créances sont automatisées. Tu gagnes 30% de trésorerie, et 50% de temps sur tes relances. Tu maitrises les risques d’impayés, tu optimises ton délai moyen de paiement et tu gagnes du temps tout en préservant la satisfaction client. Tu auras récupéré une partie de ta trésorerie d’ici la fin de la semaine.
Il en est resté bouche bée. Etrange spectacle : on aurait dit un piano, avec tous ses dièses, et ses bémols. Le bémol, en ce qui me concernait, c’était mon loyer, qui ne serait pas payé dans les temps. Bah, j’avais le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien pour une fois. J’ai tourné les talons et amorcé une sortie pleine de panache, quand une main a agrippé ma manche.
— Dusty ?
Je me suis retourné.
Il a pris ma main, l’a ouverte, y a déposé un petit objet et l’a resserrée dessus. C’était froid et poisseux.
— C’est pas grand-chose, mais ça devrait couvrir tes frais en attendant de te payer.
J’ai ouvert la main : sa dent en or. Voila qui devrait faire patienter ma charmante propriétaire.
Pour la première fois, il a souri. Le regard qu’il m’a lancé était plein de gratitude. Celle qui allège un peu le poids de mon fardeau et me rapproche à petit pas de la rédemption. Même si je savais que la route était encore longue.
Dehors, le brouillard s’était dissipé. On y voyait un peu mieux, comme Gros Louis avec sa trésorerie. Après une bonne nuit de sommeil il faudrait que je pense à automatiser ma propre relance de créances. Mais pour l’heure, j’allais m’occuper de la bouteille de gin que j’avais attrapée en loucedé, en sortant de la distillerie. Que voulez-vous, on ne se refait pas…
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